L’Italie dans un verre : deux amers, deux histoires
Ah, l’Italie… Ses ruelles pavées, ses couchers de soleil sur les collines toscanes, et surtout, ses apéritifs qui savent, mieux que quiconque, rimer saveur avec savoir-faire. Dans l’univers des amers italiens, deux noms se retrouvent sur toutes les lèvres — littéralement : Aperol et Campari. Ils partagent une patrie, une vocation (éveiller les papilles dès l’apéro), et pourtant, ils ne sauraient être plus différents.
Si vous vous êtes déjà retrouvé au comptoir, hésitant entre un Spritz bien orangé ou un Negroni à l’amertume assumée, cet article est pour vous. Plongeons ensemble dans l’univers fascinant de ces deux liqueurs emblématiques. Qui sait ? À la fin de cette lecture, vous ne commanderez peut-être plus votre cocktail favori par simple habitude, mais avec une intention savoureuse.
Aperol et Campari : une affaire de famille (ou presque)
Commençons par les présentations. L’Aperol est né à Padoue en 1919, fruit de l’imagination des frères Barbieri. Léger, doux-amer, il a mis du temps à séduire au-delà des frontières italiennes… jusqu’à l’explosion du Spritz dans les années 2000, ce cocktail aussi instagrammable que rafraîchissant. Son succès n’est pas un hasard : son goût est subtil, accessible, une passerelle parfaite vers l’univers de l’amertume.
Campari, de son côté, joue dans une autre cour. Créé à Milan en 1860 par Gaspare Campari, c’est une relique vivante du patrimoine gustatif italien. De couleur rouge intense, presque grenat, il est plus fort, plus sec, plus complexe… et parfois même plus polarisant. Mais ceux qui l’aiment ne jurent que par lui.
Le goût : deux profils, deux émotions
Leur différence la plus flagrante ? Le palet n’a pas besoin de trop se creuser :
- Aperol : Une attaque douce, avec des notes d’orange douce, d’herbes légères et une amertume discrète. Il est souvent perçu comme plus fruité, voire sucré. Son taux d’alcool est raisonnable avec 11°, ce qui en fait un excellent choix pour une introduction à l’univers des apéritifs amers.
- Campari : Plus corpulent, avec des notes herbacées prononcées, de quinine, d’écorces d’orange amère, et parfois une pointe épicée. Même si les recettes restent secrètes, les amateurs s’accordent à dire qu’il offre une complexité plus marquée que son cousin orangé. Il titre à 25° en moyenne (et parfois plus selon les pays).
Un peu comme si l’Aperol vous prenait doucement par la main pour danser sous un coucher de soleil, tandis que le Campari vous entraînait dans un tango intense à la tombée de la nuit. Tout dépend donc de votre humeur et de votre envie du moment.
La couleur : entre coucher de soleil et rouge vermillon
Impossible de les confondre quand ils sont servis dans un verre :
- L’Aperol arbore une teinte orangée vive, presque solaire. C’est un clin d’œil visuel à sa légèreté.
- Le Campari joue davantage la carte du rouge intense, presque rubis. Son apparence évoque déjà sa profondeur aromatique.
Un œil averti saurai deviner le contenu d’un Spritz à la simple couleur du liquide dans le verre… Mais prudence : certains établissements remplacent l’Aperol par du Campari pour un « Spritz revisité ». Surprenant, parfois délicieux… mais mieux vaut être prévenu !
Usages en mixologie : deux polyvalents à leur manière
Si on vous dit Spritz, votre esprit imagine probablement ce grand verre ballon garni de glaçons, d’orange et de bulles. Et vous avez raison — sauf que…
- L’Aperol est la star du Spritz classique : 3 parts de Prosecco, 2 parts d’Aperol, 1 part d’eau gazeuse. Ultra frais, ultra facile à réaliser, il est devenu l’icône des terrasses estivales. Il peut également s’inviter dans des cocktails plus créatifs comme l’Aperol Sour ou même en Martini twisté.
- Le Campari se montre plus audacieux. Vous le trouverez dans des cocktails de caractère : le Negroni (avec gin et vermouth rouge), l’Americano (vermouth + eau gazeuse), et même des créations plus modernes comme le Jungle Bird. Son amertume prononcée contrebalance idéalement les alcools plus sucrés ou plus gras.
Une petite astuce pour sublimer l’un comme l’autre : préférez les glaçons larges et transparents. Ils fondent moins vite, diluent moins et gardent toute l’authenticité du cocktail.
À table ? Pourquoi pas !
On les connaît pour l’apéritif, mais avez-vous déjà pensé à accompagner un plat ou une entrée avec Aperol ou Campari ? Voici quelques accords dignes de figurer sur votre prochaine planche apéro :
- Aperol aime la fraîcheur : burrata crémeuse, carpaccio de légumes, fruits frais, fromages doux (ricotta, mozzarella di bufala)… Tout ce qui évoque légèreté, accentue son côté fruité.
- Campari préfère les mets forts en caractère : charcuterie épicée, fromages affinés, olives noires, voire grillades. Il peut même accompagner un dessert à base de chocolat noir ou d’agrumes confits, pour les palais avertis.
Un moment particulièrement apprécié : le « Campari & tonic » servi avec une pizza napolitaine bien relevée. Un vrai tourbillon gustatif.
Secrets de fabrication : entre tradition et mystère
Ce qui fascine dans ces deux liqueurs, c’est aussi ce qu’on ne sait pas. Les recettes exactes sont jalousement gardées. Mais quelques indices filtrent…
L’Aperol revendique une infusion d’oranges amères et douces, de rhubarbe, de gentiane et d’un bouquet d’herbes secrètes. Sa fabrication repose sur une infusion lente et froide, qui conserve les arômes les plus volatiles.
Le Campari, plus ancien, base son profil sur une combinaison de herbes aromatiques, écorces, racines et épices. Longtemps, sa célèbre couleur rouge provenait du carmin, un colorant naturel extrait des cochenilles, remplacé depuis dans certaines recettes par des solutions alternatives végétales (selon les marchés).
Ce flou artistique fait partie du charme. Comme une recette de grand-mère qu’on devine plus qu’on ne maîtrise. Cela laisse place à la magie.
Finalement, faut-il choisir son camp ?
Vous l’aurez compris : Aperol et Campari ne sont pas interchangeables. Chacun a son heure, son ambiance, son public. L’un est solaire et joyeux, l’autre est intense et mystérieux. Face à cette dualité, certains résumeront en souriant : le jour appartient à l’Aperol ; la nuit au Campari.
Mais pourquoi trancher ? Un été complet suffit à faire le tour des deux. Commencez par un Spritz Aperol au brunch, poursuivez avec un Negroni Campari en début de soirée, et terminez avec un simple Campari sur glace pour méditer sous les étoiles. C’est aussi ça, l’Italie en bouteille.
Et vous, que dira votre prochain apéritif de vos envies ?