Un petit bijou au cœur de la Bourgogne : la crème de cassis de Dijon
Il est des spécialités françaises que l’on reconnaît au premier regard… ou devrais-je dire, à la première gorgée. La crème de cassis de Dijon appartient à cette aristocratie du goût, où terroir, savoir-faire et gourmandise se mêlent dans une alchimie aussi subtile que délicieuse. Elle coule dans les veines de la Bourgogne comme une note fruitée dans un opéra bien orchestré. Mais au-delà de sa robe pourpre éclatante et de ses arômes profonds, savez-vous vraiment d’où elle vient et comment l’utiliser en mixologie ? Installez-vous confortablement, je vous emmène pour une dégustation sensorielle qui ne manque pas de panache.
La crème de cassis de Dijon : un produit à indication d’origine… et à grande personnalité
Avant toute chose, remettons les pendules à l’heure : toutes les crèmes de cassis ne se valent pas. Seule la crème de cassis de Dijon bénéficie d’une indication géographique protégée (IGP). Qu’est-ce que cela signifie ? Que le cassis utilisé doit provenir exclusivement de variétés dites « nobles » comme le Noir de Bourgogne, et que l’élaboration artisanale se déroule dans le périmètre dijonnais. On ne plaisante pas avec les fruits noirs ici !
Pour être digne de son appellation, cette crème doit ainsi contenir au moins 400g de fruits par litre et 250g de sucre minimum. En bouche, cela donne une liqueur dense, veloutée, presque sirupeuse, mais toujours équilibrée. Là où d’autres crèmes s’effacent dans la neutralité, celle de Dijon parle fort et clair, avec une intensité aromatique qui lui vaut les honneurs à l’apéritif comme au dessert.
Un savoir-faire artisanal qui respecte le fruit
Tout commence par une baie : le cassis. Et pas n’importe lequel. Les producteurs artisanaux sélectionnent des variétés locales, récoltées à maturité, souvent à la main. Une fois cueilli, le fruit n’est pas pressé comme un innocent jus, mais mis à macérer dans de l’alcool neutre pendant plusieurs semaines. Cette étape clé permet d’extraire toute la gamme des arômes : le côté fruité, un peu acide, légèrement herbacé parfois, sans jamais tomber dans l’excès.
Vient ensuite l’assemblage avec le sucre. Et là, tout est une affaire de dosage. Trop sucré, on masque le fruit. Trop peu, on perd l’onctuosité typique. Les artisans dijonnais détiennent cet équilibre comme un secret de famille jalousement gardé. Certains vont même jusqu’à utiliser du sucre de betterave français non raffiné pour préserver la pureté des saveurs. Le résultat ? Une crème à la fois riche, complexe et étonnamment fraîche.
La star des apéritifs : plus qu’un simple Kir
Impossible d’évoquer la crème de cassis de Dijon sans parler du KIR, ce cocktail emblématique originaire lui aussi de la belle ville de Dijon. Son nom rend hommage au chanoine Félix Kir, maire de Dijon après-guerre, qui en fit une boisson de prestige local. À l’origine, il mélangeait simplement la crème de cassis à un vin blanc sec bien de chez nous, souvent un Aligoté bourguignon.
Le secret d’un bon Kir ? Ne jamais noyer la crème sous trop de vin. L’équilibre idéal se trouve autour de 1/5 de crème pour 4/5 de vin. Et évitez les vins trop aromatiques : la crème de cassis veut l’avant-scène, pas un duel de divas en bouche !
Mais au-delà du Kir traditionnel, la crème de cassis se révèle être un véritable joker derrière le comptoir.
À vos shakers : la crème de cassis en cocktails revisités
Trop souvent cantonnée au simple Kir, la crème de cassis mérite bien mieux. Elle a tout d’un ingrédient de mixologie à part entière : de la rondeur, une belle acidité, du fruit concentré. Autrement dit, un terrain de jeu parfait pour les bartenders créatifs… ou les amateurs passionnés dans leur cuisine.
Voici quelques idées de cocktails qui donnent un second souffle à ce joyau bourguignon :
- Blackcurrant Mule : revisitez le classique Moscow Mule en ajoutant 2 cl de crème de cassis, 4 cl de vodka, du jus de citron vert et du ginger beer. Frais, pétillant, légèrement épicé : parfait pour l’été.
- Kir Royal Relevé : ajoutez une touche de liqueur d’orange ou une goutte de bitter aromatique à votre Kir Royal (crème de cassis + champagne). Le twist parfait pour l’apéritif chic.
- Bourgogne Negroni : osez remplacer le vermouth rouge par de la crème de cassis dans un Negroni (1/3 gin, 1/3 cassis, 1/3 Campari). Un Negroni fruité, mais toujours avec cette amertume noble.
- Cassis-Citron Fizz : mixez 2 cl de crème de cassis avec 4 cl de gin, un trait de jus de citron frais et prolongez le tout avec de l’eau gazeuse. Le genre de drink qui prolonge les discussions autour d’un bon plateau de fromages.
Petite astuce ? Servez ces cocktails bien frais, idéalement avec des glaçons taillés larges pour éviter qu’ils ne se diluent trop rapidement. Et n’oubliez pas la gourmandise : un zeste d’agrume, une baie de cassis fraîche, voire une brochette de fruits rouges pour le plaisir des yeux.
Des accords mets-liqueur pour les amoureux du sucré
Si la crème de cassis fait des étincelles en cocktail, elle est tout aussi fascinante en cuisine. Bien utilisée, elle devient une complice de choix pour sublimer vos plats sucrés (et parfois même salés !). En voici quelques inspirations :
- Sur une panna cotta vanillée : une cuillère de crème de cassis apporte contraste et raffinement. Pensez aussi à mariner quelques fruits rouges dans la crème avant de servir.
- Dans une sauce pour magret de canard : la touche fruitée de la crème adoucit la viande et génère une complexité surprenante. Déglacez le jus de cuisson avec un trait de crème de cassis et un soupçon de vinaigre balsamique.
- En topping sur une glace à la vanille ou au yaourt : la crème de cassis fond doucement dans la crème glacée, tel un souvenir d’enfance au cœur de l’été.
- Dans un tiramisu revisité : remplacez le café par une compotée de cassis (avec un soupçon de crème de cassis) et observez le sourire naître sur les lèvres de vos invités !
Vous pouvez aussi l’essayer en gelée, dans une pâte de fruit, ou même dans une confiture un peu coquine… La seule limite ? Votre imagination (et peut-être votre réserve de crème de cassis).
Quelques producteurs de crème de cassis à surveiller de près
Vous voulez vous lancer, mais ne savez pas par où commencer ? Voici quelques producteurs dijonnais réputés pour la qualité de leur crème :
- Maison Briottet : fondée en 1836 à Dijon, elle réalise de sublimes liqueurs artisanales, avec une crème de cassis riche, équilibrée et précise.
- Gabriel Boudier : un autre grand nom de la place dijonnaise, alliant tradition et innovation. Leur crème se distingue par une belle longueur fruitée.
- Lejay-Lagoute : pionniers de la crème de cassis en 1841, ils sont parfois considérés comme les inventeurs de la version moderne. À goûter dans leur gamme « Noir de Bourgogne », très expressive.
Quel que soit votre choix, privilégiez une crème élaborée de manière artisanale, sans arômes artificiels ajoutés. Votre palais vous remerciera.
Petite histoire de dégustation entre amis
Permettez-moi de conclure non par une leçon, mais par une anecdote. L’été dernier, lors d’un dîner au cœur du vignoble bourguignon, un ami sommelier nous a servi un Kir pas comme les autres. Aligoté frais, crème de cassis artisanale, et… une joliment acidulée mûre fraîche dans chaque verre. Rien d’extraordinaire en apparence. Et pourtant ! Le silence qui a suivi la première gorgée valait mille mots. Parce que parfois, ce sont les choses les plus simples, les plus respectueuses de leur origine, qui nous touchent le plus juste.
Alors la prochaine fois que vous verserez quelques gouttes de crème de cassis de Dijon dans votre verre, rappelez-vous : il ne s’agit pas seulement d’une liqueur, mais d’un concentré du patrimoine bourguignon. Un trait d’histoire au cœur de la modernité mixologique. Santé !